J’ai le vertige.
Vous ne me verrez jamais faire du saut à l’élastique.
Bon après, j’arrive à monter sur un tabouret (mais j’aime pas).
Je peux aussi admirer la vue d’une falaise (mais loin du bord).
Bref, je vis avec…
Par exemple l’été dernier sur la côté sauvage de Quiberon, en voyant ma fille courir de rocher en rocher non loin (moins de 100 mètres quoi ^^) d’un à pic finissant sur des rochers coupants sur lesquels les vagues viennent s’écraser, j’ai trouvé ça magnifique.
Mais je suis passée pas loin de la crise cardiaque toutes les 2 minutes environ…
J’ai bien tenté de dépasser cette peur. Une fois j’ai même fait une via ferrata ! J’étais super fière d’avoir réussi à aller jusqu’au bout, même si j’ai quand même un peu flippé tout du long. Et que mes compagnons de cordée ont dû faire preuve d’une incommensurable patience pendant que je traversais certains passages difficiles. Enfin difficiles pour moi quoi… Soit à peu près tout le long du truc.
Mais bon j’ai triché : ce jour-là il y avait un brouillard dense, et je ne voyais pas 1 mètre en dessous de mes pieds… Je ne voyais pas le vide quoi. Ce qui a pas mal aidé à la réussite de l’exploit.
Une autre fois, sur une passerelle suspendue très haut dans les arbres (avec filets et tout, même pas de l’accrobranche) :
Tu vois, un pont dans les arbres, rien de dangereux quoi.
J’ai bien cru mourir de peur… J’ai compris ce jour-là que malgré toute la volonté du monde, je ne ferai jamais d’accrobranche avec ma fille. Pas assez stable pour moi, j’ai beau savoir que c’est sécurisé et tout, je n’en profiterais clairement pas.
D’ailleurs après avoir fait le tour de la passerelle instable en question, quand ma fille m’a demandé tout sourire de refaire un tour, je me suis demandée si on ne me l’avait pas échangé à la naissance…
Puis je me suis rappelée que je ne l’avais pas quitté des yeux 1 seconde. Du coup non, c’est bien la mienne, aucun doute.
Bref, j’ai le vertige….
Quand nos peurs deviennent celles de nos enfants
Les enfants, tout petits, ils n’ont peur de rien. Ou peut-être juste de se retrouver tout seul, mais c’est plus de l’instinct de survie.
Ils n’ont pas encore apprivoisé la notion de danger. Ils ne ressentent donc pas la peur qu’une situation potentiellement dangereuse peut provoquer. L’expérience leur apprendra par la suite le danger de certaines situations, et la nécessité de la prudence.
Sans forcément que ça passe par la case peur.
Ils peuvent par contre s’approprier très facilement et très rapidement les peurs de leurs parents. Il faut dire qu’à vouloir les protéger, les parents ont souvent tendance à les empêcher de faire.
Combien de fois au parc ou ailleurs j’ai pu entendre des “Attention tu vas tomber”, “Tu vas te faire mal”, “descends de là c’est trop dangereux” et autres prédictions fatalistes ?
En plus de faire perdre toute confiance aux enfants en leur capacités, ces prédictions finissent par leur transmettre une peur qui n’est pas la leur, mais celle de leur parent.
J’ai ainsi croisé cette petite fille, 3 ans comme Miss M, qui avait peur de monter à l’échelle du toboggan. Son père m’avait confié que la mère avait une peur bleue que sa fille tombe et se fasse mal. A force cette peur s’était transmise à sa fille, qui craignait d’escalader l’échelle même en l’absence de sa mère et avec les encouragements de son père.
Miss M à côté escaladait le jeu par tous les endroits possibles, même ceux pas spécialement prévus à cet effet.
Nos peurs nous appartiennent, elles ne sont pas celles de nos enfants
J’étais consciente que ma peur de la hauteur était une peur personnelle, et qu’il fallait que je fasse attention à ne pas la transmettre. J’ai dû prendre sur moi puisque Miss M notamment escalade depuis qu’elle a 15 mois. Les jeux du parc d’abord, les rochers ensuite… Tout ce qui peut être escaladé le sera.
Est-ce que c’était dangereux pour elle ? Bien sûr, tomber du haut d’une échelle à 15 mois, ce n’est pas anodin. Mais elle n’avait pas conscience de ce danger. Tant qu’elle n’a pas été en capacité de faire attention par elle-même, nous sommes donc resté à ses côtés au cas où, en expliquant bien mais sans dire qu’il fallait éviter la situation parce qu’elle était dangereuse, juste qu’il fallait être prudent.
Bien sûr ça implique de la suivre partout dans le parc, d’être constamment derrière elle pendant qu’elle escalade. Mais l’autonomie qu’elle en a retiré en vaut largement la peine.
Je ne suis toujours pas sereine quand je la vois dans certaines situations, mais ça reste mon appréhension, et c’est à moi de la gérer.
Pas à elle de modérer son envie d’escalader parce que j’ai peur.
Ne pas laisser nos peurs empêcher nos enfants de découvrir de nouvelles choses
L’an dernier, et cette année encore, nous avons tenté d’inscrire Miss M à des activités périscolaires. Initiation au sport pour les plus jeunes, danse, gym, karaté, musique… Rien ne lui faisait envie, elle ne voulait s’inscrire nulle part.
Elle, elle voulait faire de l’escalade, mais le club de notre ville ne prend les enfants qu’à partir de 8 ans, soit 3 ans de plus que Miss M.
Et puis, juste avant les vacances de Noël, j’ai vu passer une info sur une nouvelle salle d’escalade non loin de chez moi.
Nous avons donc profité des vacances pour tester la salle d’escalade.
Nous y avons passé 2 bonnes heures sans qu’elle se lasse, alors qu’elle tentait d’aller plus haut, d’utiliser des prises plus compliquées, d’accéder à des endroits plus difficiles. Elle a été très contente de son après-midi.
Tellement contente que nous y sommes revenu pas plus tard que le lendemain, cette fois pour tester la salle de Clip’n Climb. Une salle d’escalade ludique avec différents murs, où on pratique attaché cette fois car les murs sont plutôt haut, et pas de tapis au sol. Une fois en haut, la descente se fait tout en douceur.
Miss M était très fière sur les derniers essais d’avoir réussi à escalader un mur jusqu’en haut pour toucher le bouton. Elle n’a pas osé tout faire jusqu’au bout, mais elle a dépassé peu à peu ses limites pour finir par escalader un mur en totalité, juste avant la fin de la séance.
Elle était tellement contente qu’elle s’est inscrite tous les samedis pour le cours des petits.
Et si j’avais laissé ma peur parler et que je l’avais empêché d’escalader partout ? Je lui aurais potentiellement transmis ma peur de la hauteur.
Et au passage, je lui aurais fermé cet univers dans lequel elle apprend à se dépasser, à coordonner ses mouvements, à réfléchir à sa position et à la meilleure prise à utiliser pour atteindre son but…
Accompagner
Si la peur nous habite, rien ne nous empêche de la tranquilliser.
En accompagnant et en sécurisant les choses au début. Tout en laissant à nos enfants l’espace nécessaire pour expérimenter et apprendre par eux-même.
Si nous laissons la peur nous guider, nous empêchons nos enfants d’acquérir les compétences nécessaires pour limiter les risques.
Et du coup il y a des chances que nos craintes se réalisent le jour où nous ne serons pas là pour interdire.
En accompagnant nos enfants pour qu’ils sachent faire, nous leurs donnons toutes les chances pour limiter les accidents, pour qu’ils apprennent par eux-même à être prudent, et qu’ils gagnent en autonomie. Et ce faisant, nous voyons nos craintes diminuer.
Les cours d’escalade, notamment parce qu’ils sont sécurisés, mais aussi parce que j’ai maintenant confiance dans les capacités de ma fille, n’ont pas du tout était source de stress chez moi. Tout comme la voir à 2 mètres de haut sur un parcours d’accrobranche ne m’inquiète pas plus que ça désormais.
Je pense que je ne pourrais pas m’empêcher d’éprouver une certaine appréhension si elle joue de nouveau vers des falaises, ou si dans quelques années elle décide d’escalader des parois rocheuses. Mais ça sera ma peur, pas la sienne. Et tant que je me tiens loin moi-même des bords de falaise et des parcours d’accrobranche, je devrais y survivre !
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