Je mens souvent…
Par omission, certes, mais quand même.
Quand je parle de mon aînée, et que je dis qu’elle s’appelle Miss M, je mens.
Quand je dis que j’ai 2 enfants, je mens.
Quand je dis que mon 1er accouchement ne s’est pas passé comme je le voulais, mais que je me suis rattrapée avec le 2ème, je mens.
Quand je ne parle pas de lui quand je parle de mes enfants, je mens… Par omission.
Robin
Robin c’est son prénom, celui de mon aîné, celui que je ne prononce presque jamais.
Celui que j’omets.
Le grand frère de mes filles qui restera à jamais minuscule.
L’enfant donc je ne connaîtrais jamais le sourire, ni le son de la voix ou la couleur des yeux.
Robin c’est mon premier enfant, celui dont je fais toujours le deuil, 9 ans après.
C’est mon fils qui est mort avant même de naître.
Je pleure, tu sais, en écrivant ces lignes.
Je pleure 9 ans après et c’est OK.
C’est normal la tristesse, même après tant de temps.
Le deuil, c’est un processus, et on va chacun à son rythme.
C’est difficile le deuil périnatal.
Tous les deuils sont difficiles, mais celui-ci l’est particulièrement.
Déjà, parce que c’est un peu tabou. La grossesse, c’est la joie. Ce qui pourrait mal se passer, on en parle pas, ou peu.
Et quand ça arrive, la plupart des gens ne savent pas quoi dire, pas quoi faire…
Alors ils se dépêchent de passer à autre chose.
Je le sais, je l’ai fait. J’étais ces autres, j’étais la plupart des gens…
Quand ma sœur a perdu ses enfants, je suis vite passée à autres choses. J’avais peur de lui faire du mal… Et c’est sans doute ce que j’ai fais.
Et quand ils en parlent, ils minimisent.
Ce n’est pas méchant, ils veulent bien faire. Nous protéger de la tristesse.
C’est sans doute mieux comme ça.
Vous êtes jeunes, vous en aurez d’autres.
Ils nient notre souffrance, notre droit à la souffrance.
A hurler l’injustice, à pleurer toutes les larmes de notre corps, à crier notre désespoir.
A partager nos espoirs, nos rêves et tout ce qu’on avait imaginé.
C’est difficile parce que c’est ça qu’on perd, des espoirs et des rêves. On n’a pas beaucoup de souvenirs auxquels se raccrocher.
Quand j’ai perdu mon fils, l’hôpital nous a proposé un accompagnement psychologique à moi et mon conjoint. C’est chouette, et nécessaire, pour ne pas être seul-e. Quand on est dans sa peine, c’est difficile d’être disponible pour l’autre.
On avance pas tous au même rythme face au deuil, quel qu’il soit, et c’est normal.
Vous êtes forte, vous allez vous en sortir, je ne me fais pas de soucis pour vous.
C’est ce qu’on m’a dit au bout de 3 ou 4 séances.
Alors j’ai été forte. J’ai ravalé ma tristesse, ma colère. Je les ai nié.
J’ai joué à “tout va bien”.
Cette année dans ma formation, on a abordé le deuil. Et pour un exercice sur l’accompagnement du deuil périnatal, je me suis proposée en cliente, naturellement.
C’est là que j’ai vu, tu sais.
Que mon deuil n’était pas fini.
Que j’avais encore de la colère, de la culpabilité, de la tristesse…
Juste avec 1 heure d’écoute, dans la position que j’ai apprise lors de la formation, j’ai libéré plus de choses que lors de ces 3 ou 4 séances.
9 ans après…
Aujourd’hui, c’est le 15 Octobre, la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal.
Alors aujourd’hui, je te parle de mon fils, de mon histoire.
Aujourd’hui je te dis que c’est normal que ça soit dur, et que ça dure.
Et aussi que tu n’as pas à traverser ça tout-e seul-e.
Je peux t’accompagner, toi ou ta famille ensemble.
Ou tu peux choisir de contacter une association, selon ce qui te convient le mieux.
♥